L’Exercice de la Profession Enseignante : Moral, Qualité, Comportement et Chemin

L’article "L’Exercice de la Profession Enseignante : Moral, Qualité, Comportement et Chemin" tente de décrire et d’examiner plus attentivement l’élément moral touchant la profession enseignante et le milieu de l’enseignement dans une perspective de valorisation de la profession enseignante.

SCIENCES DE L’ÉDUCATION | DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL

Paul MBENZA N'SOKI

11/1/202417 min read

I. INTRODUCTION

Selon la Loi sur l'instruction publique, l’école « a pour mission, dans le respect du principe de l’égalité des chances, d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves, tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire. Elle réalise cette mission dans le cadre d’un projet éducatif mis en œuvre par un plan de réussite[1] ».

Le Programme de formation de l’école vient expliciter cette mission et constitue un cadre de référence pour l’enseignement. Même si l’école n’est plus l’unique lieu de formation de l’esprit, elle joue un rôle essentiel en ce qui concerne le développement intellectuel des jeunes, mais aussi leur développement social. Dans une société pluraliste, « l’école est appelée à jouer un rôle d’agent de cohésion en contribuant à l’apprentissage du vivre-ensemble et à l’émergence chez les jeunes d’un sentiment d’appartenance à la collectivité (…) Il incombe donc à l’école de se préoccuper du développement socioaffectif des élèves, de promouvoir les valeurs à la base de la démocratie et de veiller à ce que les jeunes agissent, à leur niveau, en citoyens responsables[2] ».

Le programme de formation a comme arrière-plan l’objectif de la réussite pour tous : réussite de la scolarité attestée par le diplôme d’études secondaires, réussite éducative, réussite d’un projet personnel à la mesure de chacun et réussite institutionnelle[3].

La responsabilité des enseignantes et des enseignants pour mener à bien la mission de l’école repose notablement sur l’effort collectif du personnel enseignant et des autres acteurs de l’éducation et ne relève plus seulement de l’engagement individuel, nécessaire certes, mais insuffisant.

II. MORAL DANS LE CONTEXTE DE LA PROFESSION ENSEIGNANTE

« Il est d’usage de parler de "morale" pour désigner un système de normes qui régit le fonctionnement d’une communauté et de désigner par "éthique" la visée intentionnelle qui sous-tend chacun de nos actes[4]

Or dans l’enseignement, chaque geste des pédagogues que sont les enseignantes et les enseignants place ces derniers dans une relation à l’autre, soit chacune et chacun des élèves qui sont des sujets libres et cette relation engage des rapports de liberté à liberté. Cette relation sous-tend une exigence éthique, notamment parce que, dans toute relation pédagogique, existe aussi une relation de pouvoir : d’où l’émergence de la responsabilité.

L’exigence éthique consiste à s’efforcer de concilier deux principes apparemment contradictoires, l’éducabilité qui conduit à exiger le meilleur de l’élève et la non-réciprocité qui commande d’accepter la réponse de l’élève même si elle ne correspond pas toujours aux attentes de l’enseignant, et cela, sans que ce dernier renonce pour autant à ses exigences. C’est là la responsabilité de toute enseignante et de tout enseignant et celle de l’équipe pédagogique en vue d’accomplir la mission de l’école.

Atteindre les finalités de l’éducation présuppose le partage de valeurs communes : respect des personnes, égalité, liberté, autonomie, pour ne citer que les plus connues. Mais, dans le contexte scolaire où les consensus sont fragiles, l’interprétation de certaines valeurs peut créer des ambiguïtés, des malaises, voire des tensions; par exemple, jusqu’où peut s’exprimer la liberté d’expression ou encore quelles sont les limites de l’autorité dans la classe? Dans une situation où surgit un conflit moral avec des parents, des collègues ou des membres de la direction de l’établissement, quels principes doivent guider l’action?

Faire preuve de professionnalisme, c’est être capable en collégialité, mais aussi pour soi-même, d’exprimer clairement son engagement envers la qualité de l’enseignement et d’énoncer les valeurs dont on veut témoigner; c’est être capable de dire, dans le projet éducatif, ce qui se traduira en actes dans la classe et à l’école; c’est transformer le dire en faire et accepter d’en rendre compte.

Dans une école qui reflète la mouvance sociale, c’est avoir le choix des moyens à retenir dans le cadre de ses fonctions et être capable de répondre de ses choix pour contribuer à l’accomplissement de la mission qui lui est confiée; c’est pouvoir rendre des comptes à sa communauté et, par conséquent, être capable de démontrer que les moyens retenus sont les meilleurs dans l’état actuel des connaissances, et cela, parce que les compétences pour avoir accès à ces moyens et outils ont été développées. C’est là l’essence de la conscience professionnelle qui est au cœur de la pratique de l’enseignement.

Enfin, s’il est souvent question de confrontation d’idées dans le processus de prise de décision éthique, cela ne se vit pas nécessairement dans une atmosphère lourde de tensions. À tout le moins, ce n’est pas là qu’il faut faire porter l’accent. Souvent, il s’agit plutôt de discussions, d’apport d’idées dans un processus de construction collective en vue d’une prise de décision éclairée. Il ne s’agit pas nécessairement de justifier les arguments qui ont conduit à une décision, mais il faut savoir expliquer ces arguments.

III. LE CONTEXTE D’EXERCICE DE LA PROFESSION ENSEIGNANTE

Les composantes du travail enseignant ne sont pas toutes connues du public. La société confie, aux enseignantes, aux enseignants et aux autres acteurs de l’éducation, le mandat d’assurer l’enseignement, la socialisation et la réussite des élèves. Mais là ne s’arrêtent pas leurs responsabilités. En effet, nombreux sont ceux qui participent aussi au conseil d’établissement, aux différents comités paritaires, aux consultations menées à l’école ou par la commission scolaire, aux comités mis sur pied par le ministère de l’Éducation nationale et nouvelle citoyenneté, à l’accueil des étudiants stagiaires en enseignement, à l’accompagnement des enseignants débutants, pour ne citer que ces exemples.

Par ailleurs, après avoir atteint l’objectif de démocratisation de l’enseignement au cours des dernières décennies, un nouvel objectif appelant l’engagement de tous les acteurs de l’éducation a été assigné à l’école, à savoir : assurer la réussite scolaire et éducative de tous les élèves. Pour ce faire, le personnel enseignant doit s’inspirer des pratiques pédagogiques reconnues pour mieux exercer sa créativité. La responsabilité de la réussite n’est pas nouvelle; les enseignantes et les enseignants ont toujours eu à cœur de l’exercer, mais le contexte socio-politico-économique d’aujourd’hui, axé sur la performance, en augmente la contrainte.

Il convient aussi de réitérer que les enseignantes et les enseignants, même s’ils conservent leur spécificité professionnelle, ne sont pas les seuls responsables de la réussite scolaire et éducative. Il s’agit d’une responsabilité partagée par les membres de l’équipe éducative, mais aussi par l’environnement parental et, dans une certaine mesure, par la société tout entière. Cela doit être rappelé régulièrement. À ce propos,

Mais l’engagement de l’enseignant déborde le cadre de la classe et de l’école pour participer à un projet de société qui touche à la transmission d’un héritage culturel commun. Les conditions d’un enseignement de qualité doivent donc être disponibles, et notamment une pratique renouvelée de la formation continue qui ne peut concerner que la mise à jour de connaissances et de compétences découlant de la réforme de l’école.

Ce leitmotiv de la réussite pour toutes et tous, qui vient d’être évoqué, oblige à revoir ses pratiques, à prendre du recul, à réfléchir sur son agir au quotidien et interpelle les valeurs personnelles et professionnelles. On ne peut parler d’intégration des élèves en difficulté ou d’élèves handicapés en classe ordinaire et, dans certains milieux, d’intégration interculturelle sans soulever des débats éthiques passionnés à l’école.

Il y a une responsabilité éthique dans l’évaluation des moyens mis en œuvre pour soutenir la réussite de tous les élèves. L’adoption des meilleures stratégies pédagogiques et autres est une variable qui influence la réussite scolaire, mais ce n’est pas la seule. Un enseignant ne peut être tenu seul responsable des résultats.

Il existe aussi une dimension collective à l’obligation de résultats. L’école, par l’intermédiaire du conseil d’établissement, doit informer la collectivité des moyens qu’elle entend mettre en œuvre pour atteindre les objectifs réalistes de réussite scolaire et éducative qu’elle s’est fixés et qui ne sauraient se réduire à un taux de réussite inscrit dans un plan de réussite.

Par ailleurs, les enseignantes et les enseignants ne peuvent se soustraire à l’obligation d’exercer autrement leur profession et, pour certains, il s’agit d’une véritable réorientation de leur travail et de nouvelles manières de faire et d’être avec leurs collègues. Pour ne citer que cet exemple tiré de la formation générale des jeunes, pour faire une évaluation de fin de cycle en équipe de cycle, il faut aussi avoir réalisé les étapes antérieures en concertation : en effet, penser la planification de l’enseignement sur un cycle oblige à un travail de concertation pour penser les apprentissages des élèves à long terme.

Des exigences éthiques sont rattachées aux diverses fonctions de l’enseignant; en effet, ce dernier a des responsabilités éducatives qui débordent le cadre de la classe, et la préoccupation éthique, qui est au cœur des actions éducatives, a été réaffirmée dans les orientations ministérielles de 2001[5] et, plus récemment, dans la Politique d’évaluation des apprentissages[6]. Il revient au milieu scolaire de tout mettre en œuvre pour que le souci éthique, qui doit animer tous les acteurs de l’école, inspire les décisions d’ordre pédagogique qui ne sauraient être reléguées au second rang à cause de contraintes d’ordre administratif.

IV. UN PROFESSIONNALISME COLLECTIF

Il faut considérer que l’environnement législatif et l’accent porté sur la culture dans la formation à l’enseignement devraient susciter une ouverture au débat d’idées dont le développement est important pour la création de communautés d’apprentissage.

Les orientations inscrites dans la réforme de la formation à l’enseignement, notamment par l’exigence portée au travail fait en concertation, qu’il s’agisse de la collaboration avec les membres de l’équipe de cycle, de l’équipe disciplinaire ou de l’équipe-école, de la collaboration avec les parents d’élèves et avec les membres du conseil d’établissement ou, encore, pour décider des choix à faire en matière de formation continue, tout cela commande le partage d’opinions, l’échange d’idées, l’explicitation des points de vue avancés ou des décisions prises, la rigueur dans l’argumentation. À cet égard, l’adhésion aux décisions prises et la solidarité professionnelle sont plus assurées quand chacun des acteurs s’est senti écouté et compris, même si le débat n’a pas permis de retenir son point de vue. Et malgré un débat respectueux des personnes, l’adhésion générale n’est pas nécessairement acquise. Il n’en demeure pas moins qu’une décision ou un consensus est mieux suivi s’il est précédé d’un espace de réflexion et de discussion.

On ne saurait trop souligner l’importance du dialogue, de la communication et de l’apprentissage de ces compétences. Il ne s’agit pas ici d’une simple diffusion de l’information, aussi utile soit elle. Il s’agit de privilégier la qualité du débat d’idées qui évite toute confrontation entre les personnes ou tout discours réducteur.

À ce propos, le fait d’associer tous les acteurs aux décisions qui concernent la mission éducative de l’école ne peut que mieux servir la communauté scolaire. L’élaboration et la réalisation du projet éducatif devraient y contribuer de façon significative.

Encore faut-il que des espaces et des moments existent pour soulever la dimension éthique qui sous-tend toute décision d’ordre pédagogique, et surtout pour nommer les valeurs qui orientent les décisions prises. Et, faut-il le préciser, en plusieurs milieux, il s’agirait moins d’une question de temps que d’un manque de sensibilisation à la question éthique chez les différents agents d’éducation, y compris les autorités scolaires.

Il ne s’agit pas ici de discussions d’ordre théorique, mais bien de décisions portant sur des situations particulières : les programmes d’études locaux ou les projets d’enrichissement du programme de formation et les choix budgétaires qu’ils entraînent, l’instauration de systèmes de récompenses ou le choix de commandites, pour ne citer que ces exemples largement publicisés, supposent l’adhésion à certaines valeurs qui ne sont pas toujours explicitées et qui auraient pu faire l’objet de débats à plusieurs niveaux. Ces débats auraient permis d’envisager les effets d’une décision particulière sur le budget de l’établissement et sur les autres décisions à venir.

Les acteurs de l’éducation doivent d’abord prendre conscience des valeurs et des enjeux éthiques sous-jacents à leur prise de décision et à leurs actions et, ensuite, développer une sensibilité collective et la capacité de discuter en vue de prendre des décisions argumentées qu’ils pourront assumer en collégialité. Ils ont aussi l’obligation d’adhérer aux valeurs énoncées dans le Programme de formation de l’école québécoise et d’agir dans leur respect. Rappelons, toutefois, que les enseignantes et les enseignants peuvent participer à des instances régionales ou ministérielles et influencer les orientations et les politiques.

Si enseigner est un travail foncièrement éthique parce qu’entre en jeu une dimension relationnelle très étroite entre l’enseignante ou l’enseignant et ses élèves, il ne faut pas oublier un autre volet de sa dimension éthique, soit les rapports interpersonnels entre collègues, rapports obligés pour l’exercice de la collégialité et pour l’adhésion à des balises communes. Pour cela, il faut, dans le
respect mutuel, dire ses croyances pédagogiques, s’adonner à une pratique réflexive de l’enseignement, mettre des mots sur ce que l’on fait, rétroagir en équipe, présenter des idées et participer à un débat constructif pour faire évoluer les points de vue. Adhérer à des valeurs communes, ce n’est pas synonyme de se rallier à une seule manière d’être ou de faire. Enfin, pour alimenter des débats créatifs qui servent d’amorce à la formation d’une communauté d’apprentissage, on ne doit pas sous-estimer l’importance d’une formation pertinente[7].

V. LE CONSEIL D’ETABLISSEMENT

L’institution du conseil d’établissement (CE) par la Loi sur l’instruction publique[8]est venue changer la dynamique scolaire. Les décisions qui engagent l’école ne sont plus prises en vase clos, si cela a déjà été le cas dans certains milieux. Les rôles et les responsabilités des acteurs de l’éducation ont été modifiés[9]. Le conseil d’établissement dispose des propositions formulées par la direction de l’établissement, propositions qui peuvent lui être présentées par les membres du conseil.

Le conseil d’établissement est un lieu de discussion où se confrontent les valeurs, les attitudes et les façons de faire des acteurs du système scolaire. À cet égard, certaines décisions dont l’opportunité ou la pertinence ont été mises en doute amènent à s’interroger sur les valeurs et les motivations qui animent certains membres des conseils et sur la formation qu’ils ont reçue. Pourtant, « toute décision du conseil d’établissement doit être prise dans le meilleur intérêt des élèves[10] ».

Une sensibilisation aux enjeux éthiques et une réflexion sur les valeurs qui motivent les membres des conseils d’établissement sont bénéfiques tant pour le bon déroulement des réunions que pour la pertinence des décisions prises et qui doivent être applicables pour conserver la crédibilité de cette instance.

Une enquête réalisée par le Groupe d’analyse politique de l’éducation (GAPE) auprès des membres votants des conseils d’établissement des écoles primaires et secondaires soulignait l’importance d’une formation pour les membres de ces conseils axée sur la compréhension du mandat d’un conseil d’établissement, mais qui devrait aussi porter sur d’autres éléments tels : « le lien entre la création du CE et les orientations fondamentales de la réforme de l’éducation en cours; la mise en situation pour apprendre à résoudre divers problèmes organisationnels; la résolution des différends entre les partenaires; le développement d’une culture de participation politique ». [11]

VI. UNE ECOLE RESPONSABLE

Comme il a déjà été dit, l’enseignant doit être capable de justifier ses choix en démontrant comment ils contribuent à la réussite des élèves et à leur plein accomplissement; l’établissement d’enseignement, lui, doit aussi pouvoir démontrer comment son projet éducatif s’inscrit dans la mission que le législateur a confiée à l’école. On comprend ainsi que les besoins de formation
continue sont diversifiés comme la tâche particulière et les conditions réelles d’exercice de chacune et de chacun des enseignants le sont; il en résulte que la formation continue est une responsabilité éthique qui interpelle aussi l’équipe pédagogique.

L’école est le reflet d’une société dont les valeurs sont souvent en dissonance ou en discordance avec celles de l’école. Les acteurs de l’éducation eux-mêmes ne puissent pas nécessairement aux mêmes repères sociaux et des tensions entre les valeurs existent au sein des équipes pédagogiques.

Pour autant, les valeurs énoncées dans les grands encadrements[12] que constituent les documents officiels doivent être dites et réaffirmées comme points d’ancrage au besoin. L’équipe pédagogique doit se donner les outils d’une démarche réflexive commune sur ces valeurs et sur leur contextualisation pour en témoigner de manière crédible. Elle doit rendre compte des choix arrêtés dans un contexte qui n’est pas toujours exempt de turbulence sociale et idéologique.

Par ailleurs, la mission de l’école n’est pas toujours bien comprise par la société qui demande souvent, et voudrait exiger, que l’école règle des problèmes dont la solution appartient normalement à la famille et à la société. L’école agit sous le regard des parents, de la société, des médias[13], des sociologues et des politiciens qui scrutent, surveillent et jugent la qualité de son travail et le degré de réussite de sa mission. Il apparaît que la contribution des personnels de l’enseignement à l’accomplissement de la mission de l’école, et notamment celle des enseignantes et des enseignants, doit être valorisée et que les diverses contributions du milieu de l’enseignement à la société, reconnues.

Bien qu’il puisse y avoir des limites ou des contraintes fixées par le système et l’environnement immédiat[14], la responsabilité de l’enseignant repose essentiellement sur la recherche et l’application de moyens pertinents pour assurer la réussite éducative de ses élèves; ces moyens doivent s’appuyer sur l’état de développement des connaissances diffusées dans les médias destinés aux professionnelles et professionnels de l’enseignement, et non sur des modes éphémères. On ne saurait trop insister ici sur l’importance de l’accès à la formation continue qui est une responsabilité individuelle, collective et organisationnelle et qui commande un engagement et un certain encadrement de la direction de l’établissement.

Dans l’obligation de résultats qui est exigée de l’enseignant et de l’école, une part de la responsabilité qui concerne les résultats leur échappe, soit celle de l’engagement de l’élève[15]dans ses études. L’enseignant a la responsabilité de tout mettre en œuvre pour susciter l’engagement de l’élève, notamment en présentant des situations stimulantes et, pour ce faire, il doit utiliser les moyens appropriés. Encore une fois, il faut mettre à contribution la formation continue[16] du personnel enseignant en vue de créer des communautés de pratique.

L’enseignement est un système complexe et la société doit apprendre à distinguer entre l’évaluation des moyens retenus pour atteindre les meilleurs résultats possibles dans un contexte donné et l’évaluation de la réussite scolaire à proprement parler. On ne peut évaluer les établissements d’enseignement uniquement à l’aune des résultats des élèves.

En effet, si la réussite scolaire se mesure d'une certaine manière par le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires, ou les résultats chiffrés à des épreuves d'examen, il n'en est pas ainsi de la réussite éducative qui porte sur l'accomplissement de l'être humain qu'est l'élève, sur le développement de sa liberté et de son autonomie. Cela doit être rappelé à celles et ceux qui ne jurent que par l'évaluation de la performance. Par ailleurs, comme professionnels, les enseignantes et les enseignants sont appelés à participer aux débats de société qui concernent l'éducation.

Il convient de saluer l’engagement que constitue la publication par la Fédération des syndicats de l’enseignement de la Déclaration de la profession enseignante[17]. Il ne s’agit pas ici, d’examiner le contenu du document ni de l’entériner, mais de prendre acte d’un engagement qui, par certains éléments, réitère l’adhésion à des valeurs déjà nommées dans la Déclaration de principes sur l’éducation[18].

Engagement volontaire est déterminant pour l’adhésion à des valeurs et à des principes qui inspirent les pratiques pédagogiques. Les enseignantes et les enseignants doivent s’approprier leur héritage professionnel; ils ne sauraient faire leurs des valeurs qui leur seraient imposées par une autorité externe.

Par ailleurs, un tel engagement exige d’être respecté par tous les membres : il s’agit de tenir parole collectivement. C’est une responsabilité de tout le personnel enseignant.

CONCLUSION

En adoptant le présent avis, le Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant ne prétend pas avoir trouvé la solution définitive à la question de moral dans le milieu de l’enseignement.

Il souhaite cependant avoir contribué à apporter quelques pistes de réponse au besoin actuel de repères éthiques dans la profession enseignante. Il tient cependant à rappeler que la question de morale concerne autant la société que le milieu de l’éducation et que l’école s’inscrit à l’intérieur de la mouvance sociale.

L’éducation est un lieu de la parole tenue. La réforme de l’école québécoise engage tous les membres de la communauté éducative à chercher les moyens de développer moral professionnelle chez les formateurs d’enseignantes et d’enseignants, le personnel enseignant, les cadres scolaires et les autres acteurs de l’éducation en vue de mieux accomplir la mission de l’école.

C’est dans ce contexte que le défi de moral dans la profession enseignante doit être collectivement reconnu et assumé. Et cela peut exiger du courage : le courage de se mettre à l’œuvre et celui de persévérer.


[1] BOUTET, Marc et Nadia ROUSSEAU (dir.). Les enjeux de la supervision pédagogique des

Stages, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2002, 244 p.

[2] CENTRALE DES SYNDICATS DU QUÉBEC (CSQ). Déclaration de principes sur l’éducation, édition révisée, 2000, 16 p.

[3] BOURGEAULT, Guy. Jalons pour une éthique de l’accompagnement de formation, 2002, 12 p.

[4] CENTRE D’ANIMATION, DE DÉVELOPPEMENT ET DE RECHERCHE EN ÉDUCATION (CADRE). Pour le développement d’une compétence éthique, octobre 1996, 50 p.

[5] MEIRIEU, Philippe. « L’éducation est un lieu de la parole tenue », Entrevue réalisée par Luce

Brossard, Vie pédagogique, no 74, septembre-octobre 1991, p. 4-8.

[6] MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Politique d’évaluation des apprentissages, 2003, 68 p.

[7] Building scientific capacity, report of the Third World Academy of science, 2004.

[8] BC COLLEGE OF TEACHERS. Standards for the Education, Competence and Professional Conduct of Educators in British Columbia, novembre 2003, 22 p.

[9] NATIONAL EDUCATION ASSOCIATION. Code of Ethics of the Education Profession. Washington (D.C., USA), [En ligne], 2003, [http://home.nea.org].

[10] SOCIÉTÉ DE PÉDAGOGIE ROMANDE. Code de déontologie des enseignantes et des enseignants membres de la SPR, [En ligne], 2000, [http://agora.unige.ch/ctie/educateur/code/htm].

[11] ORDRE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DE L’ONTARIO. Normes d’exercice de la profession enseignante. [En ligne], [http://www.oct.ca].

[12] JEFFREY, Denis. La morale dans la classe, Québec, Presses de l’Université Laval, 1999, 224 p.

[13] La publication des palmarès et des sondages récurrents sur le niveau de confiance dans les enseignants et le système scolaire sont révélateurs à ce sujet.

[14] Lire à ce sujet : Jean-Bernard MAUDUIT. Le territoire de l’enseignant ─ Esquisse d’une critique de la raison enseignante, Paris, Klincksieck, 2003, 192 p

[15] LESSARD, Claude. « Les conditions d’une nouvelle professionnalité dans l’enseignement », Vie pédagogique, 1991, no 71, p. 18-23

[16] Favereau Olivier, 1997, « Décisions, situations et institutions », Colloque Forum, Chantilly.

[17] Johsua Samuel, 1999, L’école entre crise et refondation, La Dispute.

[18] LEGAULT, Georges A. « Les codes : une tension entre le droit et l’éthique », Enjeux de l’éthique professionnelle, tome 2 : L’expérience québécoise, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 1997, p. 37-71.